21/08/2012 - Il nous semblait qu'une loi de la République avait été votée pour prohiber le port du voile intégral ou de la cagoule dans les lieux publics. Quels forfaits peuvent donc commettre ces mâles qui enfreignent délibérément les interdictions, pour qu'ils dissimulent ainsi leurs visages ???
Que nenni ! Ils n'infractent pas ! Ce sont des valeureux combattants de la plus grandiose des traditions françaises qui, armés jusqu'aux dents et habilement camouflés au milieu d'un chanp d'anatidés en plastique (non, pas jaunes, soyons sérieux !), sont venus, à l'instar du GIGN, pour canarder les canards : de sales individus, des migrants qui menacent notre civilisation moustachue !
L' anonymat de nos zhéros doit être préservé, par crainte des représailles !
Le grand-père, le père et le saint-fiston : trois générations retranchées dans un fortin, et qui, par hérédité, partagent leur ferveur pour déclencher, au rare passage d'un de ces pitoyables oiseaux, des tirs nourris de Kalachnikovs.
Non, ce n'est pas une canette de bière que porte à sa bouche ce valeureux nemrod (pas encore) : en fait, dès que deux ou trois colverts inconscients se pointent dans le ciel, il s'égosille dans un appeau à poire en un concert de coins-coins inimitables :
les hormones femelles contenues dans les postillons de l'instrument sont susceptibles de tromper l'ennemi et d'attirer les mâles en rut ; lesquels se prendront aussi sec une décharge de chevrotines dans le portrait...
Fusils, gilets pare-balles, chien, casquettes, camouflages, pipeaux etc., il faut bien tout ce matériel sophistiqué et coûteux pour espérer rapporter triomphalement à la maison un tableau de chasse grandiose : deux ou trois de ces vilains canards égarés, qui ont survolé le fortin par mégarde et qui en sont morts ; une douzaine de factices en plastique ; quatre appellants vivants déclarés.
Pendant ce temps, la Loire, qui hier résonnait des cris de mille oiseaux, n'a jamais été aussi vide et silencieuse.
Seul, devant le Mont, notre cher petit Martin pêcheur vaque à ses occupations comme si de rien n'était, et s'avale un poisson au détour d'une de ses pierres favorites...
...Tandis qu'un Balbuzard pêcheur, prudemment réfugié à une hauteur sratosphèrerique, survole la scène avec dédain.
C'est l'ouverture de la chasse aux canards, pour laquelle les adeptes ont rabioté quelques jours : au lieu du troisième dimanche d'août, l'ouverture a été autorisée au début du troisième décile du mois (c'est authentique : élection présidentielle oblige, c'était pour S. le prix du vote de C.N.P.T. !).
Nous sommes en France, Europe, dans un espace du Patrimoine mondial UNESCO classé Zone de Protection Spéciale NATURA 2000, et la Directive européenne correspondante commence par la déclaration solenelle qui suit : "Tous les oiseaux sauvages sont protégés..." !
Un monde de oufs : notre espace public le plus précieux livré aux fusils de gros bourins incapables d'identifier à l'aube ou au couchant (et même en plein jour) tous les limicoles. C''est notamment grâce à ce genre de chasse que certaines espèces rares disparaissent de la planète.