Elle s'appelle Effraie des clochers (Tyto alba), mais on pourrait aussi l'appeler Effraie des greniers ou Effraie des granges. Car ce rapace nocturne discret a pris l'habitude séculaire de squatter les constructions humaines en s'y introduisant par les ouvertures "libres". Comme elles rendaient des services avérés aux paysans en se nourrissant principalement de petits rongeurs, on ne leur disait rien.
Mais notre société moderne n'aime pas beaucoup ce genre de libertés, les pesticides empoisonnent les musaraignes et les campagnols (et les céréales, et nous par la même occasion), et les braves gens n'aiment plus trouver des déjections - ou des réjections qu'ils confondent avec les précédentes - sur la vieille voiture casée dans la grange ou sur l'ancienne télé remisée au grenier. Alors ils ferment les ouvertures, et la Dame blanche doit ficher le camp ou disparaître de notre "civilisation" !
C'est ce qui est arrivé tout près d'ici : interdite de grange par des héritiers, l'Effraie et sa famille s'était réfugiée dans le "Toit aux Furets", un grenier peu visité de leurs cousins voisins. Déclarées "non grata" en raison de saletés blanches sur l'antique plancher, leur accès fut identifié et condamné. Sans doute trouva-elle refuge un moment dans un bâtiment agricole ouvert, mais...
Mais les tristes histoires peuvent avoir un de ces beaux rebonds qui vous feraient croire à la providence. A ce moment là, une association de randonneurs pédestres de Boigny présidée par Françoise, une amie, fit justement un don à la LPO pour l'installation d'un... nichoir à Effraie ! Ayant repéré lors de leurs ballades un abri agricole ouvert à tous vents au bord d'une petite route à Mardié, les marcheurs ont demandé l'autorisation d'y faire installer le nichoir. Et c'était... oui, vraiment : juste devant la grange obturée, le grenier interdit, le refuge précaire ! D'ailleurs, notre Effraie y faisait régulièrement des haltes discrètes dans un coin sombre...
L'installation faite, nous avons guetté des traces d'occupation. L'an dernier, rien de déterminant.
Mais cette année, tous les signes habituels d'une présence de la chouette : sous la poutre-support côté accès au nichoir, quelques déjections, deux plumes appartenant à l'espèce, mais surtout une impressionnante collection de pelotes de réjection identifiant la Dame blanche...
Les pelotes de réjection, connaissez - vous ? Vous devriez, on apprend ça à l'école, non ?
Les rapaces, comme tous les oiseaux d'ailleurs, avalent leurs proies sans les mâchouiller. Mais celles-ci sont pleines d'os et de poils, et leurs sucs digestifs plus ou moins puissants ne suffisent pas à les réduire : Il se forme donc un amas de poils et d'os qui est régurgité par le bec.
Pour les rapaces nocturnes uniquement, les os sont pratiquement intacts : mâchoires, fémurs... Comme on le voit sur le bas de la photo, chaque élément du bol alimentaire est là quand on disloque la pelote, et moyennant un petit "puzzle", on peut faire un inventaire précis des prises de l'oiseau correspondant.
Tous les rapaces ne rejettent pas des pelotes, et on ignore souvent que d'autres espèces familières le font. Ainsi, le Martin pêcheur accumule et rejette des minuscules pelotes constituée de résidus d'arêtes de petits poissons. Qui le sait ?