Depuis le vendredi 21, de 6h à 9h, puis de 18h30 à 22 h, c'est à dire aux plus belles heures de la journée, celles de l'aube et celles du couchant, des milliers d'oiseaux doivent fuir le Val de Loire pour se mettre à l'abri... ou risquer de mourir sous les tirs qui crèvent bruyamment le silence du fleuve, quand quelque chose bouge dans le ciel qui pourrait ressembler de près ou de loin à un Canard ou à un Limicole, même très rare et ultra-protégé.
Les Castors qui sortaient tous les jours devant l'île des Baffaits une heure avant la tombée du jour restent terrés. Et les riverains subissent des nuisances sonores qui seraient jugées scandaleuses partout ailleurs... voire parfois des retombées de "plombs" sans plomb tirés par les matamores...
Lesquels, équipés et camouflés comme des terroristes, sont planqués dans un solide fortin construit en pierres au milieu du fleuve presque à sec, puis dissimulé sous une forêt de branchages.
Quand on s'est levé à cinq heures du matin ; qu'on a fait l'approche en croulant sous les ballots de canards en plastique, tabourets, fusils etc. ; qu'on a passé trois heures interminables à scruter un ciel vide et (pour autant qu'on puisse le voir) un fleuve déserté, et tiré en tout et pour tout deux coups de fusil ; et qu'on repart comme ce matin avec, en plus du barda, deux malheureux Vanneaux huppés sanguinolents qui ont eu l'imprudence de traverser au mauvais endroit au mauvais moment ; on doit se sentir particulièrement fier d'avoir commis, au nom d'une soi-disant "tradition" ancestrale, un acte parmi les plus stupides qui soit : tuer un petit animal sauvage avec des moyens parfaitement démesurés... et à cette occasion avoir lourdement perturbé une biodiversité riche mais fragile - sans compter le voisinage humain qui pourrait lui aussi mériter un peu de respect -.
Car si le petit Martin pêcheur vit sa vie en se perchant longuement sous le nez des dangereux nemrods, tous les autres oiseaux ont dû fuir au premier coup de feu. Dont certains particulièrement intéressants, que ces tartarins n'ont peut-être jamais admiré de leur vie (photos ci-après dans l'ordre) :
- Le beau, précieux et rare Héron pourpré, présent depuis plus de trois semaines ; une dizaine de Hérons cendrés, une trentaine d'Aigrettes garzettes.
- Deux spécimens de Chevalier sylvain, présents depuis plusieurs jours : des migrateurs peu fréquents ici, en voie de régression.
- Deux Bécassines des Marais, présentes depuis plus d'une semaine.
Plus le cortège habituel de Vanneaux ; de Mouettes ; de Goélands ; de Chevaliers guignette, culblanc, aboyeur...; Hirondelles de rivage ; Bergeronettes grises ;
Mais la routine pépère des chasseurs peut aussi complètement dérailler : ils n'ont pas réussi à vider complètement l'espace du Val. Un jeune photographe naturaliste s'est invité ce soir près du fortin et de ses canards appellants... Les chasseurs ont certes payé le droit de chasser, mais pour autant ils n'ont pas retiré le droit au chasseur d'images de pratiquer son art inoffensif... et même valorisant pour l'avifaune !
De 20 h à 22h 15, heure du départ nocturne des canardeurs (sic), assis, il attend patiemment devant le Mont le retour de ses chers oiseaux...
Pas un seul coup de feu dans le soir tombant : la paix est enfin revenue sur le grand fleuve sauvage protégé par un de ses amoureux !