Lucidité hélas prémonitoire ? Dans les vœux que nous vous avions formulés dans notre article 2015, la vie en rose, nous disions : "... nous pouvons nous questionner sur l'usage que l'homme fait de son intelligence, prétendument supérieure, pour asservir ou détruire ses semblables (...)". Quelques jours après, des fanatiques décapitent la rédaction d'un journal trop libre à leur goût, tuant, entre autres, le plus talentueux des dessinateurs de presse, le trop gentil Grand-Duduche : Cabu, pour lequel nous avions une admiration sans bornes. Des policiers et des otages tombent aussi à leur tour. Quel gâchis !
Dans cette ambiance, il nous est trop difficile de reprendre benoîtement notre célébration de la nature. Voici donc quelques dessins de Cabu, extraits de "La France des beaufs", qui éclairent les combats d'un écologiste avant l'heure, qui plus est ardent défenseur de la cause animale...
A la fin des années 70, on ne fermait pas les centrales nucléaires : on les construisait, sans aucun débat public, sans contestations audibles. Je vous épargne deux pages cruelles sur Dampierre-en-Burly ("On n'en parle pas de celle-là"), pour partager la vision optimiste du Beauf concernant un effet possible d'une centrale sur les habitants du fleuve.
A la fin des années 70, on n'en était pas encore à la "ferme des mille vaches". On ne savait pas encore que la viande consommait trop de ressources agricoles. Mais Cabu contestait déjà la filière viande, les abattoirs, et surtout la souffrance animale. Il hurlait avec force : "Devenez végétarien" !
Et il militait activement contre l'expérimentation sur les animaux.
Par respect pour "les fêtes", nous vous épargnerons ses charges contre le gavage des foies-gras sur deux pattes.
Pour autant, notre ami n'avait rien contre les agriculteurs et même contre les éleveurs : à l'occasion, il prenait leur parti :
A la fin des années 70, nous avons eu quelques saloperies de marées noires. Genre Amoco-Cadiz. Souvenez-vous, nous avons appelé à boycotter les stations Shell !
Les pensées de Cabu n'allaient pas aux futurs vacanciers qui risquaient de se goudronner les fesses. Mais plutôt aux milliers d'oiseaux sauvages cruellement mazoutés, que certains essayaient de sauver de la mort moyennant des lavages aux produits détergents.
Les beaufs des années 2010 n'ont peut-être plus les moustaches de ceux de Cabu, mais des barbes de quelques jours qui font "djeuns" (suivez mon regard)... Mais, sur beaucoup de sujets, ils n'ont pas changé dans leurs têtes... Voire, ils vont encore plus loin dans la beaufitude que ceux des années 70. C'est pour ça (et pour rire) qu'on avait encore besoin de Cabu.
A moins que des jeunes...